< Show all posts

Espagne et France: résistance aux zones environnementales

Souvent, des controverses naissent autour de l'introduction de nouvelles interdictions de circulation. Cependant, en Espagne et en France, l'opposition se serait fait entendre au point de repousser l'introduction, voire de la mettre complètement hors jeu.

Les mesures de protection de l'environnement en matière de transport sont souvent accueillies avec optimisme. La création de zones environnementales, d'où les véhicules polluants sont bannis, est considérée comme un pas positif vers un avenir plus vert. Cependant, de nombreuses voix s'élèvent contre de telles initiatives, notamment dans certaines villes françaises et espagnoles, où l'introduction de nouvelles zones environnementales se heurte à une forte résistance de la part des autorités locales et des citoyens.  

En effet, en Espagne, de nombreuses municipalités doivent mettre en place des zones environnementales d'ici 2023 dans le cadre de la nouvelle loi sur le climat. Toutes les municipalités de plus de 50.000 habitants, ainsi que celles de plus de 20.000 résidents, seraient ainsi tenues de restreindre la circulation dans certaines zones par des dispositions concrètes et de limiter ainsi les émissions nocives. A quelques mois de l'entrée en vigueur de cette obligation, la Fédération espagnole des municipalités et des provinces (FEMP) demande toutefois au gouvernement de retarder son introduction d'au moins un an. En effet, il manque encore le décret royal pour fixer les exigences minimales sur lesquelles les lois au niveau communal doivent ensuite se baser. Sans cadre juridique, il serait donc impossible, selon la FEMP, d'adopter les nouveaux règlements avant la fin de l'année, comme prévu initialement. 

Certaines organisations environnementales estiment que la véritable raison d'une telle demande est en réalité différente. Elles pensent que même si la plupart des municipalités finiront par adopter les plans de la loi sur le changement climatique et la transition énergétique, cela n'arrivera pas dans les mois à venir. "Il y a des élections en mai, et ils ne vont pas imposer des restrictions de circulation cinq mois avant", explique Carmen Duce d'Ecologistas en Acción. Par conséquent, tous les moyens pour atteindre ces objectifs ne seront très probablement pas activés immédiatement, mais seulement après. Il s'agit certainement d'une conséquence de la peur des maires et des candidats de perdre le soutien de leurs électeurs. Selon les sondages, il s'agit toutefois d'une crainte potentiellement infondée. En effet, la majorité des citoyens est favorable à une réduction de l'utilisation des voitures à moteur à combustion en raison de leur forte pollution.  

Dans 18 villes d'Espagne, plusieurs groupes de volontaires, coordonnés par Greenpeace, sont même descendus dans la rue pour rappeler à leurs maires d'approuver de nouvelles zones environnementales d'ici 2023. Selon eux, l'ouverture de ces nouvelles zones à faibles émissions est une étape importante "pour l'élimination des émissions nocives pour l'environnement et la santé". Une "étape historique" qui doit être célébrée - et non pas atténuée par la "passivité et le manque d'ambition" des conseillers municipaux. D'autant que, selon un rapport de Greenpeace, 52% des Espagnols vivent dans des villes où les niveaux de pollution, comme le dioxyde d'azote, restent élevés, avec des conséquences importantes pour la santé des citoyens. Une situation critique qui ne se résoudra pas d'elle-même sans que des mesures de réduction du trafic soient prises. Il semble toutefois que "le décret restera d'abord dans les tiroirs", admet Duce.  

Mais les reports fréquents ne sont pas les seuls motifs d'inquiétude pour tous ceux qui militent pour l'introduction de zones environnementales. Dans la ville française de Toulouse, par exemple, la situation est si tendue que trois voitures de la municipalité ont été incendiées pour protester contre la zone écologique. Depuis le printemps, elle interdit à tous les véhicules munis de la vignette 5 d'entrer dans le centre de la ville, suscitant ainsi le mécontentement de nombreux citoyens. Nombreux sont en effet les propriétaires de voitures anciennes qui se sentent pénalisés par les nouvelles dispositions et ne veulent donc pas s'y plier. 

Comme en Espagne, des citoyens se sont mobilisés en France pour protester. Toutefois, ce n'est pas pour faire pression sur les municipalités afin qu'elles respectent le calendrier légal d'introduction des zones environnementales, mais pour appeler à leur suppression. Dans toute la France, par exemple, l'initiative "40 millions d'automobilistes" se déplacera pour recueillir des témoignages de "tous ceux qui vont souffrir des zones environnementales" dans une sorte de documentaire. L'objectif est aussi de sensibiliser les politiques locaux aux besoins des citoyens, explique Pierre Chasseray, délégué général de l'association. Il espère qu'ils se décideront finalement pour un report à 2030. Cela devrait donner le temps aux citoyens d'investir dans des véhicules plus respectueux de l'environnement, tout en permettant aux villes de développer et d'optimiser les réseaux de transports publics. 

Et il est vrai qu'une série de mesures complémentaires sont à mettre en œuvre immédiatement pour permettre le succès des nouvelles zones environnementales en France et en Espagne, mais finalement dans toute l'Europe. Une mobilité électrique abordable, des transports publics fiables et une ville sûre pour les piétons et les cyclistes sont toujours considérés comme les principales stratégies que les municipalités espagnoles et françaises doivent mettre en œuvre pour rendre l'idée de zones à circulation automobile limitée plus attrayante pour les habitants. Elles constituent également, avec les interdictions de véhicules à moteur à combustion, des moyens efficaces pour réaliser un véritable tournant vert dans le domaine des transports vers une mobilité plus propre.  

Il est certain que les villes espagnoles et françaises feraient bien d'écouter leurs citoyens, du moins en partie. Mais en attendant, elles ne devraient pas perdre de vue l'objectif, à savoir la lutte contre la pollution dans le cadre des réglementations sur le changement climatique. Repousser sans cesse les délais ou modifier les plans de mise en œuvre n'est donc pas une bonne idée pour les municipalités espagnoles et françaises, pour leurs citoyens - et au final pour la planète.